Un quart de page dans le Figaro, à la une de La Croix, une demi-page dans les Echos..., toute la presse écrite se déchaîne autour de la première censure importante appliquée à Internet. Rappelons les faits. Le parquet de Munich en Allemagne a ouvert une enquête pour diffusion de pornographie, pédophilie et zoophilie contre la branche allemande de Compuserve et lui a intimé l'ordre de fermer l'accès à 200 serveurs jugés illégaux. Comme il était quasi-impossible à Compuserve de verrouiller uniquement les accès de ses quelques 200 000 abonnés allemands, la firme a été contrainte de supprimer les 200 serveurs en question pour ses abonnés du monde entier : soit environ 4 millions d'internautes dans plus de 100 pays. Point n'est besoin de vous entretenir des réactions des dits abonnés. Il suffit pour percevoir l'ampleur de la polémique de se reporter aux Newsgroups.
Alors quid de cette affaire ? Est ce le premier pas courageux d'une institution qui a enfin eu la témérité de braver la sacro-sainte liberté du très potentiellement puissant réseau des réseaux ? Est ce l'aboutissement de la démarche très puritaine de la politique Bavaroise et de la ville de Munich qui se veut une ville sans tâche où certains groupes de presses militent pour l'éviction des vidéos pornos et violentes des vidéoclubs aux profits de films pour enfants ? Ou s'agit-il tout simplement du premier avatar d'une longue, très longue bataille juridico-économico-politique qui va se jouer d'un bout de la Terre à l'autre aux sujets : de la morale, des droits d'auteur, de la cryptographie, de l'argent électronique...jusqu'à ce que le Net soit entièrement passé dans les moeurs.
Un passage obligé et nécessaire comme pour tout média, mais là, peut être plus encore qu'ailleurs, l'extraordinaire espace de liberté et de créativité qu'il constitue doit être préservé. Il ne s'agit nullement de cautionner les quelques serveurs pédophiles du Net. Serveurs d'ailleurs difficilement accessibles sans une réelle volonté de s'y connecter. Les fournisseurs d'accès sont-ils responsables ? La question est posée. Les pourvoyeurs d'images pornos enfantines, eux, le sont et doivent être placés sous le coup de la loi. Mais attention à ce que l'Etat, les Etats du monde entier, ne prennent pas comme prétexte les abus réels d'une infime minorité pour placer Internet sous haute surveillance comme l'ont déjà fait l'Iran ou la Chine. Quand aux abonnés de Compuserve, ils peuvent à loisir consulter les serveurs interdits en se connectant ailleurs. Alors tempête dans un verre d'eau ? Pour l'instant oui, mais ce n'est qu'un début...